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mercredi, 24 avril 2024
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Ma méditerranée, Mon Afrique

Par Adnen Ben Salah

Berceau du monde, cœur de la civilisation, histoire de l’humanité et son avenir, tous ceux-ci font la Méditerranée et l’Afrique. L’histoire de l’humanité trouve son essence originelle certes en Afrique, mais la civilisation est partagée entre la Méditerranée et l’Afrique d’un côté, et l’Extrême-Orient d’un autre côté.

Les politiques sans le reconnaître publiquement, les savants, les scientifiques et les grands argentiers de ce monde, s’accordent à dire que l’avenir de l’humanité et la survie du monde tel que nous le connaissons, sera la Méditerranée, mais aussi et essentiellement l’Afrique.

Les changements climatiques, le rehaussement du niveau des eaux, la raréfaction des richesses naturelles, l’eau douce, les métaux rares, la faune et la flore et les terres arables permettant d’assurer des réserves Agricoles ; tout cela, fait de l’Afrique et de la Méditerranée un enjeu stratégique mondial, et particulièrement pour les grandes puissances.

L’Europe, ce vieux continent (comme l’aiment à le décrire les américains) dont le Sud fait partie intégrante de l’espace méditerranéen, a bâti sa croissance, son développement et sa richesse par sa main mise sur l’espace méditerranéen et sur l’Afrique durant l’histoire récente.

Aujourd’hui l’Europe est concurrencée, ballottée et malmenée dans son espace dit-naturel, par diverses puissances, dont essentiellement la puissance récente historique (à peine 400 ans dont 350 de guerres), qui se présente comme l’allié de toujours, mais aussi par la résurgence de la puissance chinoise, sans oublier le retour aux premières loges de la grande Russie.

Ces puissances ont parfaitement intégré dans leur analyse stratégique, depuis des dizaines d’années, que leur survie, voire celle de l’humanité, passe par la Méditerranée et particulièrement par l’Afrique. L’ironie, est qu’il s’agit tout compte fait, pour l’Afrique et la Méditerranée, d’un juste retour aux sources de l’histoire de l’humanité.

La guerre des puissants pour la maîtrise de cet espace, passe inéluctablement par l’étape première qui consiste à chasser les pays qui y jouent un rôle important et en font partie intégrante, en leur faisant perdre leur position dominante.

Il s’agit aussi d’empêcher les pays autochtones et les nations indigènes, véritables propriétaires de cet espace, de s’affranchir, s’émanciper, d’exploiter par eux-mêmes leurs richesses et de devenir maître de leur destin.

Pour atteindre cet objectif sans pour autant afficher leurs réelles ambitions, quoi de mieux que d’y semer le chaos, l’anarchie, la zizanie et la violence de manière indirecte.

En réalité la stratégie est de créer une situation de renversement globale, remettant en cause la totalité de l’ordre préétabli sur l’échiquier méditerranéen et africain.

Ce chaos aura pour label justificatif, un thème qui en apparence fédère toutes les nations, mais va essentiellement permettre à la puissance dominante du moment de se positionner dans la région et se substituer petit à petit aux acteurs historiques.

En fait, le chaos se justifie par le fait de ‘combattre le terrorisme’ lorsqu’il y a des musulmans, ou « combattre le totalitarisme » là où il n’y a pas de musulmans ou de guerre ethniques.

La seconde étape du projet, consiste pour les puissances conquérantes, à affaiblir la ceinture ‘stable’ de l’Afrique, (porte principale méditerranéenne de l’Afrique qu’est l’Afrique du Nord) et rompre la relation privilégiée avec le Nord de la méditerranée qu’est l’Europe.

Les pays d’Afrique du Nord représentent une protection naturelle pour l’Afrique. La proximité des pays d’Afrique du Nord de l’Europe, en font une porte incontournable pour l’Afrique et une ouverture vers l’espace civilisationnel méditerranéen ; leur stabilité et leur évolution sociale, font de leur positionnement stratégique, un enjeu majeur pour la sécurité de la méditerranée.

En faisant une mauvaise analyse stratégique et en s’alignant sur les choix atlantistes, l’Europe a perdu sa place dans plusieurs pays, tel qu’en Méditerranée orientale et est en passe de perdre la porte de l’Afrique.

L’Europe a perdu l’Irak, la Syrie et bientôt le Liban en méditerranée,  en Afrique l’Europe a perdu plusieurs pays de la CEDEAO et recule fortement en Afrique du Nord.

En se laissant entraîner dans une logique de renversement de régime et de soutien à un projet global d’Islam politique (avec comme fer de lance Les Frères musulmans) les Européens perdent petit à petit leurs positions dans leur espace naturel. Pire encore, les européens, perdent une proximité avec les peuples -naguère acquise-, qui souffrent de l’instabilité, de la soumission à des lobbies financiers et surtout du choix d’un projet républicain et social qui n’est pas le leur et qui leur est imposée.

Les Européens et à leur tête la France et l’Italie, à force d’erreurs d’appréciation successives, d’incapacité à élaborer leur propre analyse stratégique prévisionnelle, se contentent d’un alignement sur les réflexions stratégiques élaborées dans des cercles de réflexion Atlantistes. De fait, les Européens font face à une situation particulièrement délicate, puisqu’ils se trouvent dans l’obligation de gérer :

  1. La perte d’influence et le recul de leur relation privilégiée dans les pays de la Méditerranée orientale et en
  2. L’islamisme et le terrorisme aux portes de l’Europe.
  3. L’immigration forcée et massive à travers la Méditerranée.
  4. La montée de l’islamisme sur le sol européen et autour de leurs frontières avec une philosophie et une idéologie issues de la culture des wahhabites Arabes avec les Frères Musulmans comme instrument d’infiltration.
  5. La perte progressive de leurs intérêts économiques en Méditerranée, en Afrique au profit d’entreprises des nouvelles puissances.
  6. Une montée de tensions imposées, avec les nouvelles puissances telles que la Chine, la Russie et à moindre mesure l’Iran ou encore avec l’Algérie.

L’Europe, semble oublier que l’Afrique du Nord et particulièrement le pourtour méditerranéen n’est pas arabe et n’est pas que musulman.  L’Europe se laisse emporter par la classification des ‘think tank’ américains du monde arabe qui va du Maroc jusqu’aux portes de l’Asie. Sauf que cette classification essentialiste, intègre des pays historiquement, culturellement et ethniquement différents.

La doctrine de cette approche, repose sur une classification du monde en bloc néo-identitaire ou sur une période donnée de l’histoire (telle que le monde Musulman des empires du Moyen Age, sans en connaître la profonde sociologie ni la diversité ethnique et culturelle) auxquels sont appliquées des stratégies de relations, d’interactions et d’interventions selon ce que sont leurs intérêts du moment.

Là est l’erreur, car La méditerranée, berceau de l’humanité et l’Afrique sont autrement plus compliquées qu’une simple catégorisation. Tout cela, l’Europe le sait, depuis Rome et Carthage, sauf que l’hégémonie de la culture Atlantiste lui a fait oublier son passé, son identité et son appartenance.

L’Europe d’aujourd’hui, si vous lui posez la question de son appartenance, sa réponse sera: au monde libre, qu’elle fait partie de l’Alliance Atlantique et que sa culture est mondialiste.

L’UE a oublié qu’elle est avant tout méditerranéenne et latine, et que l’Europe du Sud est aux portes de l’Afrique, sachant que les peuples du Sud sont numides et africains depuis les Empires grecs, carthaginois, pharaons, romains et plus récemment ottomans et français.

Aujourd’hui, tout l’enjeu de l’avenir de l’humanité et du monde, se joue en Méditerranée et en Afrique. Les américains l’ont compris, la chine l’a compris, la puissance d’Europe de l’est l’a compris ; et pour tous, la vieille Europe doit céder sa place, afin que de nouveaux rapports soient établis avec les pays d’Afrique et de la méditerranée. L’avenir de l’Afrique et particulièrement celui de l’Afrique du nord, se joue aussi dans cette bataille pour le futur.

Ainsi, et particulièrement pour ce qui nous concerne, se battre pour l’Afrique et pour la Méditerranée c’est aussi se battre pour notre avenir et celui de nos enfants, mais c’est surtout se battre pour le futur.

C’est pour cet avenir commun que l’Europe et particulièrement ses pays méditerranéens, sont condamnés à retrouver leur place dans cet espace commun. Ils sont condamnés à trouver un moyen de s’associer particulièrement aux pays de l’Afrique du Nord et de la rive sud de la Méditerranée en général, la survie même de l’Europe en dépend.

Le jour où l’Europe se rappellera son histoire et que les pays d’Afrique du Nord et les pays du sud de la méditerranée ne sont pas arabes et qu’ils sont au même titre qu’elle, des méditerranéens et des Africains, ce jour-là l’Europe, s’émancipera, sortira des dogmes Atlantistes et pourra contribuer à la construction d’une nouvelle vision de notre maison commune autour de la Méditerranée.

Il faudra que la vieille Europe, notre voisine, copropriétaire de la méditerranée, comprenne la nouvelle stratégie du -Smart power- développée par les cercles de réflexion américains. Celle-ci soutient qu’il n’y a pas de relations d’amitié ou de fidélité ou d’alliance absolue entre l’Amérique et le reste du monde, mais que toutes les relations, doivent être construites ou déconstruite selon les intérêts américains, et que les intérêts nationaux sont les intérêts stratégiques et sécuritaires, mais aussi (fait nouveaux) les intérêts des entreprises américaines tant sur leur propre sol que sur celui des autres nations.

Ainsi, et par extension, ce nouveau dogme stratégique-le smart power- entend imposer et rendre opposable la législation intérieure et les jugements nationaux au reste du monde (suprématie du droit américain), classant ainsi les nations qui s’y opposent comme adversaires, voire, ennemies.

C’est cette vision du monde qui explique que souvent les politiques américaines mènent à des guerres et des conflits.

En réalité, le monde est plus complexe qu’une simple classification en blocs identitaires et la vérité ne peut appartenir qu’à une seule nation ou groupe de réflexion.

Cette démarche intellectuelle provient d’une méconnaissance historique du monde et des civilisations, de l’histoire des nations et des peuples, du fait de ne pas faire partie de l’histoire de la civilisation en tant que nation historique et surtout de la croyance que tout est modélisable y compris le comportement humain et l’histoire.

Pour y parvenir, comme dans toute approche statistique, économétrique et mathématique, il faut commencer par agréger les ensembles lorsque la masse des données est trop importante, afin de réduire les éléments de l’équation ou ses hypothèses à un nombre minimal d’inconnues modélisables.

Pour reconquérir leur place en Méditerranée et dans le cœur de l’Afrique, Les Européens devront le faire autrement que par le passé. Les Européens auront bien des choses à prouver, ils devront prouver qu’ils souhaitent réellement une relation nouvelle, basée sur le partenariat, le respect mutuel, la solidarité et la croissance partagée.

Les pays d’Europe, et particulièrement ceux du sud, les méditerranéens parmi eux, devront tendre la main vers les pays du sud de la méditerranée et de l’Afrique, une main de partenariat, une main vraie et franche, une main pour un avenir commun autour du berceau méditerranée.

La main tendu devra être européenne et non pas une prothèse atlantiste, les européens devront regarder les Africains, particulièrement ceux du Nord comme des autochtones méditerranéens, partenaires à même pied d’égalité et non pas comme une partie de la classification américaine d’un groupes de nations arabes et forcément musulmanes.

Lorsque les européens seront prêts à partager avec les pays du sud de la Méditerranée les composants du bien-être et de la croissance, qu’ils arrêteront le jeux atlantiste de l’interventionnisme aux fins de contrôler des richesses de l’Afrique et de la méditerranée, alors, ce jour-là, les pays du sud de la méditerranée et de l’Afrique, privilégieront la coopération avec l’Europe et accepteront de partager avec eux les fruits d’une croissance commune et de garantir ainsi, l’avenir et l’indépendance Européenne (sic !).

Le rapprochement avec le monde arabe (les vrais, ceux d’Arabie) et le semblant de retrait des intérêts américains, n’est qu’un leurre, car en réalité, les américains n’ont plus d’intérêts à long terme voire même à moyen termes au Moyen Orient.

L’analyse stratégique atlantiste est que leurs intérêts stratégiques ne sont plus au Moyen orient avec les Arabes, mais bien en prenant le contrôle du berceau civilisationnel méditerranéen et sa porte d’entrée vers le contrôle du continent Africain, ce dernier représentant l’avenir et le gage de survie et de la croissance pour leur nation.

L’Europe a toujours perdu face à ceux qu’elle considère comme ses alliés atlantistes, ainsi, à chaque fois que les Européens perdent une position historiquement forte, c’est souvent, suite à un conflit ou une crise, initialement provoquée unilatéralement par leurs alliés.

En fin de chaque conflit les alliées atlantistes, qui ont été à l’origine de la crise, tout en ralliant les Européens à leurs positions, se substituent localement aux pays Européens, ces derniers, ne récupérant même pas le coût de leur engagement, sont exclus de toutes relations économiques nouvelles, surtout quand il s’agit de matières premières ; et se retrouvent de surcroit avec un ressentiment anti-européen particulièrement fort.

Même lorsque leurs alliés américains perdent (mauvaise évaluation des rapports de forces) les Européens perdent tout au profit des Chinois et des Russes, qui apparaissent aux yeux des populations comme des partenaires fiables et dignes de confiance. Les Européens sont alors poussés par leurs « alliés atlantistes » à déclarer bataille contre les Russes (européens) et les Chinois (qui n’ont fait que profiter du dilettantisme Européens) pour le compte de leurs alliés perdants.

Le jour ou l’Europe retrouvera sa mémoire, se rappellera  son   histoire, ce jour-là, l’Europe se réveillera, s’affranchira de la pensée et des dogmes atlantistes, retrouvera sa culture, fera la paix avec son histoire coloniale et comprendra que son avenir et sa survie dépendent entièrement de la méditerranée et de l’Afrique ; elle devra alors tendre la main et établir une relation nouvelle avec ceux qui partagent ce même espace civilisationnel, basé sur un projet d’avenir commun dans un esprit de vrai partenariat réciproque et gagnant.

Les Nord-Africains, ont cette lourde responsabilité d’expliquer cela et d’œuvrer à la reconstruction de notre espace commun. Pour ce faire, ils devront commencer par reconstruire leur espace régional commun et se défaire eux aussi de la classification anglo-saxonne dans laquelle ils se sont laissé enfermer. Ils devront faire leur propre démarche pour se projeter vers l’avenir et dépasser les ressentiments coloniaux, autant que les erreurs récentes de l’Europe, ils devront accepter de faire un pas vers leurs voisins du nord.

Adnen Ben Salah
Universitaire | Plus de publications

Universitaire, ancien banquier d'affaires

Universitaire diplômé de la Sorbonne Panthéon, ancien banquier d'affaires, a l'origine des premières SIAV Mixtes en Tunisie, a introduit la valorisation jours des OPCVM,

A participé à la réforme de la dette de l'État tunisien, à la création de la CDC et à la réorganisation de la BVMT, a diriger la structuration et le financement de divers projet d'aménagement territoriaux.

 

Adnen Ben Salah
Universitaire, ancien banquier d'affaires Universitaire diplômé de la Sorbonne Panthéon, ancien banquier d'affaires, a l'origine des premières SIAV Mixtes en Tunisie, a introduit la valorisation jours des OPCVM, A participé à la réforme de la dette de l'État tunisien, à la création de la CDC et à la réorganisation de la BVMT, a diriger la structuration et le financement de divers projet d'aménagement territoriaux.