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vendredi, 29 mars 2024
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De La Souveraineté Nationale

Par Adnen Ben Salah

La souveraineté un mot au nom duquel, des guerres ont été menées, des destructions et des massacres ont été réalisés, des résolutions sont nées, des libertés opprimées et des hommes sont morts. La souveraineté, un mot élevé au rang de concept sur lequel ont été bâtis des politiques et des stratégies, un mot qui, pour certains, justifie l’interventionnisme direct, un mot souvent opposé au droit pour justifier le non droit.

Mais la souveraineté, est aussi un mot qui a permis à des peuples et des nations de prétendre à l’autodétermination et à la liberté ; La souveraineté, un mot qui a permis à plusieurs nations, de se hisser à des niveaux de croissance et de bien-être, permettant à leur peuple de prétendre un meilleur avenir. La souveraineté, un bien grand mot, asservie à de bien grandes actions, souvent antagonistes et contradictoires. Alors que devons-nous entendre par souveraineté ? Particulièrement, pour ce qui nous concerne nous, Tunisiens, Africains et Méditerranéens ? Comment y parvenir et qu’en faire ?

La souveraineté, pour un pays comme la Tunisie, serait de pouvoir disposer librement et sans compromissions de son territoire, de se doter des moyens de pouvoir choisir librement et sans contraintes ses orientations, ses choix sociétaux, ses relations internationales et surtout, de pouvoir accéder et développer tout le savoir et la technologie qui lui permet d’assurer en toute circonstances son autonomie et le devenir de son peuple.

La souveraineté et la liberté de choisir, ne supposent pas forcément un isolationnisme, un renfermement, et encore moins un alignement sur des groupes de nations en particulier ; ou une rupture avec d’autres peuples. Il ne s’agit pas non plus de développer un esprit réfractaire aux autres cultures, à l’évolution de l’esprit humain et à la culture universelle, bien au contraire. Ainsi, la souveraineté pour un pays comme le nôtre se doit de s’articuler autour de quatre notions principales:

  1. La souveraineté territoriale et la sécurité nationale
  2. La souveraineté énergétique et alimentaire
  3. La souveraineté technologique et scientifique
  1. La souveraineté économique et financière
  • La souveraineté territoriale et la sécurité nationale

La souveraineté territoriale et la sécurité nationale pour un pays comme la Tunisie, outre la capacité à développer un savoir-faire propre en termes de renseignement, de sécurité intérieure et de force défensives, s’articulent surtout et essentiellement, autour d’une diplomatie et d’une politique étrangère audacieuse, proactive et intelligente. 

C’est en réalité, une politique étrangère nationale volontariste permettant de mettre à profit la position géostratégique du pays et tisser des relations stratégiques évolutives avec les pays directement limitrophes d’une part, mais aussi des relations de bonne entente et de coopération avec autant de nations que possible dont particulièrement, les puissances militaires, qui permettra de garantir l’immunité territoriale et la sécurité nationale. C’est ce positionnement qui permettra de jouer un rôle central prépondérant dans le concert des nations, un rôle, à la hauteur de sa position géographique.

La diplomatie intelligente doit permettre de faire en sorte qu’aucun pays ou puissance ne puisse avoir intérêt à remettre en cause la souveraineté territoriale et la sécurité de la Tunisie ; bien au contraire, tous devront trouver avantage à ce que la Tunisie puisse garder sa neutralité et sa centralité.

Le développement des capacités de renseignement et d’analyse des données, l’accès à l’information et la maîtrise des moyens de traitements et de modélisations de masse critique de données, seront des éléments essentiels pour l’orientation et la maîtrise par anticipation de tous les risques sécuritaires potentiels.

  • La souveraineté énergétique et alimentaire
  1. L’énergie ou le challenge du futur :

Il s’agit pour un pays comme la Tunisie, d’un enjeu stratégique, voire vital. L’accès à l’énergie, la sécurisation des sources d’énergies ainsi que la maîtrise de la technologie ont été à l’origine de guerres destructrices, de conflits économiques, des confrontations qui pourraient mener vers un conflit mondial.

Notre pays par sa situation géographique bénéficie de ligne de côte marine importante, d’un ensoleillement important et se trouve le plus proche de l’Europe. Ces atouts sont tout compte fait, d’une importance capitale est peuvent être la réelle source d’une souveraineté énergétique.

Pour ce faire, la Tunisie devra se projeter dès aujourd’hui vers la maîtrise des technologies de transformation des énergies renouvelables et particulièrement le photovoltaïque, l’éolien et le marin. Il s’agira dans un premier temps d’entamer une transformation massive de la production énergétique en utilisant les meilleures technologies mondiales, puis en un second temps de faire en sorte de bénéficier d’un Transfer technologique. Durant le temps de la transformation énergétique, le pays devra mettre en œuvre un programme ambitieux de formation technique et d’enseignement scientifique, permettant de pourvoir le pays en compétences et en chercheurs à même de maîtriser et développer les nouvelles technologies de production énergétique alternatives.

Les relations avec les pays voisins, qui sont en réalité des pays juridiquement différents, mais avec un même peuple originel, devront être la priorité de notre politique nationale, car notre pays offre pour chacun d’entre eux une opportunité non négligeable pour acheminer et exporter leur production gazière et pétrolière par pipeline vers l’Europe, mais aussi avec les pays européens, leur garantissant un approvisionnement sûr et permanent à moindre coût. Cette politique permettra à notre pays de s’assurer d’une rente de revenus permanente mais aussi un approvisionnement énergétique classique permanent pendant la période de transition énergétique.

Le passage à travers notre territoire des approvisionnements énergétiques vers l’Europe à partir de nos deux voisins, contribuera à assurer notre souveraineté sécuritaire, car les intérêts des autres pays deviennent un enjeu de leur propre souveraineté.

  1. La sécurité alimentaire ou l’enjeu de la survie :

Notre pays fut jadis lors de la république de Carthage (première république démocratique de l’humanité) le grenier de l’empire Romain. Aujourd’hui, malgré tous les atouts dont dispose le pays, ainsi que la stratégie avant-gardiste de regroupement agraire des années 60, notre pays a reculé, devenu importateur, n’arrive même plus à assurer l’autosuffisance alimentaire. La souveraineté, devra passer par une réforme du système agricole en profondeur qui devra lutter contre le démembrement agraire et pousser vers le regroupement des terres afin de permettre une production plus importante, plus responsable, plus maîtrisée, plus compétitive et à des coûts plus abordables pour le citoyen tunisien.

Notre pays devra s’organiser pour se concentrer sur sa richesse pour développer une agriculture moins gourmande en eau, mais surtout développer les techniques de production biologique qui protège les sols. Nous devrons développer en priorité la recherche génétique sur les graines et semences Nord africaines historiques et sur les cheptels de bétail qui correspondent au climat local. La science et la recherche agricole devront être au cœur de la stratégie de la souveraineté alimentaire.

Cette politique devra aussi se concentrer sur l’industrie agroalimentaire en favorisant toutes les filières agroalimentaires respectueuses de l’environnement et de l’agriculture biologique non polluantes. Cette industrie pourra s’imposer par la qualité et le label Bio et devenir un vecteur d’exportation mondial, aussi important que toutes autres activités économiques.

L’enjeu de la souveraineté sera aussi de pousser des opérateurs tunisiens, à s’investir hors des frontières nationales dans des pays à même de fournir les denrées qui ne sont pas produites en Tunisie mais qui pourraient être transformées en Tunisie, ce qui contribuera à assurer la sécurisation des filaires d’approvisionnement alimentaire. La mer méditerranée et nos côtes doivent être préservées et dépolluées pour offrir un environnement propice au développement d’une faune riche sur le long terme, afin de développer une pêche écoresponsable et une industrie des produits de la mer labellisée et performante.

  • La souveraineté technologique et scientifique

Notre nation a plusieurs années de retard technologique. Des choix ont été faits durant les années d’instauration de la république, qui ont permis de rattraper un retard non négligeable en ce temps-là et permettant d’entamer la construction d’un pays moderne avec une maîtrise de technologies déterminantes, tels que le brevet de transformation du phosphate tunisien malgré un minéral particulièrement pauvre et non compétitif et les techniques d’infrastructures électriques, qui ont permis de construire la centrale de Monastir et de s’exporter à travers STEG international.

Cet élan initial, a été freiné par un retard de l’évolution politique dans le pays, et la transposition de la structure administrative française, créant une lourdeur structurelle et un corps administratif et politique particulièrement bloquant face à l’innovation et la liberté d’entreprise. Cette situation s’est aggravée sur les trente dernières années et particulièrement les dix dernières, ou les perversions politiques ont induit la création et le développement d’une économie de rente et de commerce au détriment d’une économie d’innovation et de technologie.

La souveraineté nationale en matière technologique et scientifique doit passer par une réforme en profondeur du système éducatif et universitaire en reconstruisant l’édifice sur la base de la coopération internationale avec les pays leaders en la matière et en reposant aussi sur la diaspora scientifique nationale à l’étranger.

L’évolution mondiale technologique s’oriente essentiellement vers l’Intelligence artificielle (IA), les énergies renouvelables, l’espace, l’informatique, l’électrique, les nouvelles techniques alimentaires et la mobilité du futur. Ces nouveaux domaines de la technologique, prédisent l’avènement d’une nouvelle ère, d’une révolution technologique mondiale, qui fait que notre pays, (en prenant les bonnes décisions et en faisant les bons choix), pourrait se hisser rapidement au niveau des pays maîtrisant la recherche et l’innovation, projetant ainsi la nation vers le futur.

Pour ce faire, outre la refonte du système éducatif et universitaire, une révolution administrative et économique devra être entamée, pour libérer, encourager et soutenir les investissements de maitrise et d’indépendance technologique ; Il faudra combattre les économies de rente et abandonner tout soutien aux activités économiques classiques. La création d’un tissu industriel et de service basé sur la maitrise des technologies et l’innovation devra être la priorité de toute action gouvernementale, le principe de liberté d’entreprendre devant être la règle.

  • La souveraineté économique et financière

Élément central de la pérennité républicaine, de la stabilité sociale et du bonheur citoyen, la souveraineté économique et financière du pays est la colonne vertébrale qui permet de soutenir la souveraineté dans sa globalité.  L’économie et les finances publiques peuvent tout aussi êtres, le point faible d’un pays ; le point par lequel un pays, un peuple se trouve sous gouvernance extérieure, mendiant sa survie, voire mendient tout court sa vie.

Alors qu’est-ce que la souveraineté économique et financière pour un pays comme la Tunisie ? Il s’agit en réalité de faire en sorte que le pays se dote d’une économie à valeur ajoutée créative avec un environnement propice à l’innovation d’une part et surtout un pays ou l’Etat et son train de vie ne se financent pas à crédit mais selon les ressources dont il dispose. Cela devient possible, du moment où la croissance économique permet de subvenir à des dépenses strictes de fonctionnement et des dépenses d’investissements orientées vers la création de valeur et vers une infrastructure améliorant la qualité de vie des citoyens.

Depuis 10 ans, la Tunisie a perdu toutes marges de manœuvre possible pour prétendre à une quelconque forme de souveraineté possible. La classe politique dirigeante, issue d’une vielle opposition revancharde et vivant dans le passé, d’opportunistes transfuges des cercles de l’ancien pouvoir et des lobbies de l’économie de rente héritière d’une la caste de l’ancien pouvoir, n’a pas, faute de compétence et de réelle visions pour le pays, gouverné, mais s’est attelée à assurer sa prise de pouvoir et sa survie politique au détriment de la sauvegarde des acquis du pays et d’une relance économique et politique. Cette situation a entraîné le pays dans une spirale de surendettement, d’hégémonie de l’économie de rente et de la malversation, d’une décroissance économique et d’une destruction d’un tissu industriel et de service PME/PMI.

Il devient donc impératif de remettre le pays dans une dynamique de croissance et renouer avec les cercles vertueux de la création de valeurs. Pour cela, il faudra passer par des décisions particulièrement courageuses (non pas celles auxquelles pensent les fonctionnaires et les bien-pensants de l’économie) qui doivent mener avant toute chose au démantèlement des économies de rentes.

Adnen Ben Salah
Universitaire | Plus de publications

Universitaire, ancien banquier d'affaires

Universitaire diplômé de la Sorbonne Panthéon, ancien banquier d'affaires, a l'origine des premières SIAV Mixtes en Tunisie, a introduit la valorisation jours des OPCVM,

A participé à la réforme de la dette de l'État tunisien, à la création de la CDC et à la réorganisation de la BVMT, a diriger la structuration et le financement de divers projet d'aménagement territoriaux.

 

Adnen Ben Salah
Universitaire, ancien banquier d'affaires Universitaire diplômé de la Sorbonne Panthéon, ancien banquier d'affaires, a l'origine des premières SIAV Mixtes en Tunisie, a introduit la valorisation jours des OPCVM, A participé à la réforme de la dette de l'État tunisien, à la création de la CDC et à la réorganisation de la BVMT, a diriger la structuration et le financement de divers projet d'aménagement territoriaux.