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jeudi, 28 mars 2024
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La gouvernance pour combattre et prévenir la corruption

Par Hafedh  Halouani

L’effondrement économique, social, politique et culturel de l’État n’est qu’un produit naturel des effets à long terme de la corruption chronique.  La corruption qui gangrène malicieusement toutes les structures et institutions de l’État sans que personne n’y prête attention.

11 années après « la révolution », la corruption est devenue une pratique quotidienne pour tous les responsables et acteurs au pouvoir de diverses factions politiques et de diverses administrations publiques soient-elles ou privées.

Le premier objectif de tout gouvernement demeure le développement économique et social, mais à la lumière de la corruption généralisée dans notre pays, quelles sont les chances de son succès ? Quel est le rôle de la bonne gouvernance dans l’atteinte de cet objectif ?

La contribution de la gouvernance à la lutte et à la prévention de la corruption

Le phénomène de la corruption administrative est l’un des phénomènes les plus graves auxquels sont confrontés les pays du monde en général et les pays en développement en particulier. Il en résulte une stagnation du processus de construction et de développement économique et la destruction de l’économie et de la capacité financière et administrative de l’État et ses institutions.  Afin d’éviter ce dangereux phénomène, la communauté internationale a mis l’accent sur la nécessité d’adopter un certain nombre de principes qui doivent être intégrés dans le travail de l’administration afin de prévenir efficacement la corruption et les atteintes à l’intégrité, qui sont essentiellement liées à la bonne gouvernance et dont l’application doit être définie.

Au fur et à mesure que les exigences des sociétés changent, il est nécessaire de changer le modèle traditionnel de gestion et de rechercher une approche plus efficiente et plus efficace. La bonne gouvernance, inscrite dans la Constitution tunisienne, au chapitre 15, « L’administration publique au service des citoyens et du bien public est organisée et gérée conformément aux principes de neutralité, d’égalité, de continuité de l’utilité publique et de transparence, intégrité, courage et responsabilité », nous oblige à en tenir compte.

Ses principales caractéristiques :

  • Prise de décision participative et ouverture à la société civile
  • Responsabilité et transparence
  • Efficience et efficacité et compétence
  • Suivi et contrôle
  • Équité, justice et primauté du droit
  • Vision et dimension stratégique

La gouvernance repose également sur l’amélioration de l’efficience et de l’efficacité de la performance des pouvoirs publics en termes de qualité des services publics et de la fonction publique et sur le niveau d’autonomie des pouvoirs publics face aux pressions politiques, et sur la qualité et l’application des systèmes mis en place.

Vision pour  la réforme

Compte tenu du diagnostic ci-dessus, aucune réforme de n’importe quel secteur ne pourrait se voir couronner de succès en l’absence d’un Etat et d’un gouvernement forts dotés d’un exécutif efficace neutre et pragmatique. Ne pouvons-nous pas affirmer que la réforme de l’administration est la réforme de l’État.

Cette situation ne date pas d’aujourd’hui et n’est que l’aboutissement des choix de gouvernance et ce depuis l’indépendance à ce jour.

A/  plaie de l’administration bloquant la citoyenneté.

En effet la gouvernance de la Tunisie, depuis son indépendance en 1956, était un héritage du régime de protectorat de l’occupant français qui nous a légué un système de gouvernance bâtard voire même paradoxal, d’un côté un pouvoir politique détenu par les autochtones représentés par le Bey avec une symbolique religieuse et féodale sans plus et d’un pouvoir de l’administration détenue et contrôlée par les Français qui administraient réellement et concrètement l’Etat et le peuple.

Ce régime d’administrés s’est poursuivi après l’indépendance où le pouvoir politique était détenu par le Zayime Bourguiba symbole de la lutte de libération nationale puis relayé par Ben Ali symbole de l’échec du précédent régime et enfin reconduit par les pouvoir de l’après révolution 2011, alors que l’administration gouvernait réellement durant toutes ces périodes.

Ainsi tous les ministres n’étaient que des super administrateurs n’ayant presque aucun pouvoir politique mais subissent de facto les orientations et directives de l’administration.

En effet cette situation de clivage entre le pouvoir du politique et celui de l’administration ne permet en aucun cas la mise en place de visions stratégiques alliant les objectifs des politiques visées et les moyens et outils de l’exécutif qu’est l’administration réfractaire à tous changements pouvant réduire son pouvoir et ses privilèges et bénéfices.

C’est ainsi que tout est soumis aux règles et procédures souvent trop compliquées que l’administration a façonnées sur sa mesure pour encore plus de pouvoir.

La population se retrouve inévitablement avec un statut d’administrés et en plus de suspect jusqu’à preuve du contraire et non comme citoyens acteurs et responsables.

Le concept citoyenneté se retrouve absent sur tous les plans de toutes les politiques engagées par l’exécutif, pire encore la culture de l’assisté et de l’individu mineur se voit croître au fil des ans pour aboutir à son paroxysme durant la dernière décennie ajouté à la dégradation des politiques de l’enseignement et du savoir d’une part et de l’économie d’autre part avec ce qu’elle engendre comme appauvrissement des classes sociales.

B/Naturellement, la réforme de la gestion exige la méthodologie et la pédagogie nécessaires et ne se limite pas à des mesures ponctuelles telles que la réduction de la masse salariale par la réduction progressive du nombre de salariés.

La réforme de l’État, surtout de l’administration, nous oblige, dès le départ, à définir le rôle de ce dernier et ses domaines d’intervention, et quel est l’objectif de cette réforme qui, nous le croyons, ne peut être accomplie que par étapes et de façon continue dans le temps.

En effet le rôle de l’administration ne se limite pas à équilibrer les comptes de l’état, mais de lever tous les obstacles à la croissance, la création de la richesse et l’accroissement du PIB et de ce fait, l’administration n’est que le front office de l’Etat et que sa bonne gouvernance, sa performance ne produiraient que de bons citoyens soucieux de la sécurité du pays et de sa souveraineté.

Dans ce contexte, je propose ce plan hautement prioritaire

  • réformer l’administration et la fonction publique
  • Révision de la loi fondamentale de la fonction publique
  • La structurer en révisant le nombre de corps et les statuts spéciaux pour les adapter à la conformité aux normes internationales
  • Attirer les compétences par la mise en place de procédures de motivation pertinentes et des normes et outils nécessaires
  • L’échelle des salaires en adéquation avec la réalité vécue, qui rendrait les conditions de travail plus saines et plus confortables.
  • Unifier ou abolir et l’affectation des offices et agences après études et évaluation de leur champ d’intervention et leur rôle au développement
  • La création d’une holding regroupant les institutions économiques publiques non stratégiques pour mieux les gérer tout en mettant à la disposition de la holding tous les moyens humains et financiers nécessaires après vérification le du statut de chaque institution qui lui est rattachée et le la doter des moyens de contrôles modernes afin qu’elle puisse être suivie par l’État.
  • Établir un système informatique intégré (SI) et inter-opérable, en parallèle avec les trois actions précédentes, que je considère comme l’une des plus importantes sinon la principale action à mener en urgence. Le succès de ce processus ne peut être atteint que par la réalisation d’un tel système qui garantit aussi bien l’automatisme des opérations courantes, que leurs traçabilités et par conséquent leurs suivis et leurs contrôles.
  • Archivage et gestion de tous les documents administratifs
  • Suivi et action en matière de ressources humaines
  • Assurer le suivi et le contrôle de toutes les tâches effectuées et devant être effectuées par tout le personnel et tous les postes
  • Évaluation objective de la productivité de chaque employé
  • Fournir les statistiques, l’information et les données nécessaires aux décideurs pour les aider à prendre la décision appropriée en temps opportun.

La réalisation de ce système nécessite toutefois la mise en œuvre préalable de :

  • Diagnostic approfondi des différentes structures administratives (01 ans)
  • Rédaction du manuel de procédures pour chaque ministère et ses différents services, définissant les tâches et les relations et les objectifs pour tous les emplois et employés (01 ans)
  • La formation de tous les concernés, cadres et opérationnels (01 an)
  • La formation d’un comité de pilotage qui gère la réalisation de ce système au sein du premier ministère

La période d’achèvement est de 3 ans avec une valeur totale de 600 millions de dinars.

L’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a adopté, ce mardi 12 mai, lors d’une plénière, un accord de prêt conclu à la date du 30 janvier 2020 entre la Tunisie et la banque internationale de reconstruction et de développement (BIRD), à 92 voix favorables, 31 abstentions et 9 oppositions.

Ce crédit de 89.000.000 euros est une contribution au financement du programme électronique du gouvernement en vue d’appuyer la transformation digitale des services administratifs.

Ce programme sera réalisé pendant la période 2020/ 2024.

Il vise à développer un registre social numérique, ainsi qu’un registre numérique de l’identité, et une base de données des élèves, et à consolider les réseaux de communication dans le secteur de l’enseignement et de prévoyance sociale pour garantir un accès équitable et une qualité des services, comme le prévoit le nouveau texte.

Hafedh Halouani
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